Trente-sept ans après Marcel Bernard, Yannick Noah remporte les Internationaux de France, à Roland-Garros, célèbre antre du tennis parisien. Trente-sept ans ce fut long !
En ce dimanche ensoleillé du 5 juin 1983, spectateurs et téléspectateurs ont rendez-vous avec l’Histoire : Roland-Garros est le lieu où le souffle de 50 millions de Français est suspendu. Dans ce même lieu, se sont écrites les plus belles pages du tennis français. Ici, ce sont les magnifiques victoires obtenues par des coups prodigieux de René Lacoste, Henri Cochet, Jean Borotra ou Suzanne Lenglen qui résonnent encore dans les courts et dans les allées de ce superbe édifice construit à la fin des années 1920.
1. Match opposant Barbier-Bordes et Bundy-Morrill en 1929 dans le nouveau stade de Roland-Garros - Coll. Musée National du Sport
2. Borotra, Perry, Bernard et Hughes pour la rencontre France-Grande Bretagne en double à Roland-Garros, 1920/1930 - Coll. Musée National du Sport
Mais en 1983, c’est inédit. Noah a un jeu différent. Son coup de raquette est unique. Son histoire est tout simplement celle d’une France métissée. Quel réjouissant revers à un moment où surgit le débat sur l’identité nationale portée par les discours de l’extrême droite. Il a vécu dans un environnement de sportifs de haut niveau. Il est le fils de Zacharie, footballeur professionnel originaire du Cameroun et de Marie-Claire, basketteuse française. Noah est né à Sedan et passe une grande partie de son enfance à Yaoundé. En 1983, Yannick Noah est décidé à pénétrer dans le cercle fermé des légendes du sport hexagonal.
1. Tirage argentique, 1984 - Coll. Musée National du Sport
2. Yannick Noah et Marie-Jo Pérec lors de la cérémonie de tirages au sort de la Coupe du Monde 1998, 1995 - Collection Musée National du Sport
Y parviendra-t-il ? La réponse est dans la raquette du joueur. Tout au long des deux semaines de compétition, il réalise un parcours sans faute. Son jeu d’attaque et sa condition physique étonnent et surprennent. Noah est enfin prêt à toucher le graal de tous les joueurs français : remporter Roland… Même Yvan Lendl, « la machine à gagner », son éternel adversaire, ne peut rien face à la rage de vaincre de Noah. Le Tchèque est battu en quart de finale, il prend un 6-0 au dernier set. En finale, il est opposé à Mats Wilander, le Suédois, un spécialiste de la terre battue. Le premier set est une formalité, 6-2 pour Noah. Le deuxième est plus difficile mais le Français maîtrise son sujet. C’est au troisième set que le rêve devient réalité. 17h32, quatre balles de match pour Yannick Noah. Première balle sauvée par Wilander avec un magnifique lob. Le public est tendu, Noah également, le souvenir cauchemardesque d’une récente défaite contre le Suédois au tie break quelques mois plus tôt n’est pas loin. Deuxième balle de service, le bonheur est au bout de cette raquette en bois, offerte au Musée National du Sport par Patrice Hagelauer, entraîneur de Noah. Service canon de Noah, le retour de Wilander est largement hors du court.
Ça y est ! La raquette signée de l’équipementier français « Le coq sportif » en main, le poignet droit orné d’un brassard aux couleurs du Cameroun, Noah s’agenouille et lève les deux mains : il a gagné ! Avec audace et panache, il devient un héro national. 11 millions de téléspectateurs exultent : record d’audience en cet après-midi dominical. Bien plus qu’un titre sportif, cette victoire est un symbole.
1. Photo dédicacée de Yannick Noah lors de sa victoire à Roland Garros, 1983 - Coll. Musée National du Sport
2. Cette raquette est l’une des trois utilisées par Yannick Noah en finale de Roland Garros, 1983 - Coll. Musée National du Sport